Graine de putain de Patrick Cargnelutti
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Ah bon ? C’est interdit d’aimer ?
Trois générations de femmes….
Dès 1876, nous les suivons en commençant par Sidonie, puis Rose, sa fille et enfin Eugénie la petite-fille. C’est cette dernière qui raconte l’histoire de sa famille, alors qu’elle vient d’être arrêtée et qu’elle est en cellule.
Elles ont en commun d’avoir souffert, d’avoir essayé de se battre contre les hommes qui les prenaient pour des bonnes, qui les méprisaient et n’avaient aucun respect pour elles. Ce roman vous noud les tripes, bouleversant par son écriture et ce qu’il évoque.
C’est la France rurale très reculée, celle des mariages arrangés, des hommes qui décident et des femmes (épouses, filles) qui subissent. Celle du sexe sans aucun plaisir, celle des mères qui retournent à la cuisine ou aux champs le lendemain de leur accouchement, qu’elles ont parfois mené seules.
C’est la France taiseuse où le mot amour ne se vit pas, où « je t’aime » ne se prononce pas, où les phrases violentes peuvent faire mal (comme le titre), où les gestes d’affection sont inexistants, où aider sa femme est une hérésie, où prendre du temps pour soi ne peut pas se faire, où on ne dialogue pas, où on ne s’écoute pas, où l’école n’est pas indispensable.
C’est la France noire, profonde. Travailler, boire et dominer pour les hommes. Travailler, encore et toujours, ne rien dire et accepter tous les sévices en ne se plaignant pas pour les femmes. S’effacer, se faire oublier pour déjouer les agressions physiques ou verbales.
Comment s’épanouir, comment être heureuses ? Elles n’ont pas le temps de se poser la question. Éviter les coups, protéger, si possible, les enfants, satisfaire le mâle pour qu’il soit calme, c’est leur but.
Je me suis attachée à ces femmes, j’espérais du mieux pour elles, un petit répit, une éclaircie dans tout ce sombre mais … les destins sont parfois terribles et il y a peu, voire pas, de solutions.
Lorsque j’ai commencé ce livre, je ne m’attendais pas à une telle « immersion », à un récit qui allait m’accrocher à ce point. Le style est prenant, d’une qualité exceptionnelle, on croirait lire un roman social digne de Hugo ou Zola, c’est impressionnant. Il n’y a pas une fausse note. Ni dans le contexte des différentes périodes évoquées, ni dans le vocabulaire, ni dans les dialogues ou les actes présentés. C’est tout à fait raccord. L’auteur maîtrise parfaitement son sujet. J’ai vu que la rédaction lui avait pris deux mois, et bien chapeau !
Peut-on dire d’un texte avec tant de souffrance et d’injustice qu’on l’a aimé ? Oui, bien sûr. Tout simplement parce que les émotions procurées sont très fortes, que le dépaysement est garanti, et que les personnages laissent une trace. C’est bien cela qu’on attend d’un livre ? Alors c’est un grand coup de cœur !
NB : La dédicace en début d’ouvrage à toutes les Sidonie, les Rose, les Eugénie de toutes les époques et de toutes les contrées, qui luttent pour affirmer leur existence, est magnifique !
Éditions : du Caïman (25 Mars 2025)
ISBN : 978-2493739247
470 pages
Quatrième de couverture
Dans une petite ville de l’est meurtrie par les deux guerres mondiales, l’auteur nous propose de suivre la vie de trois femmes. Sidonie, la grand-mère, dévote acharnée, Rose, sa fille, laide, étourdie, éternelle victime, abusée par son père, incapable de se rebeller, et Eugénie, sa petite-fille aux étranges yeux vairons, rêvant d’échapper par tous les moyens à sa condition. Tout commence dans une cellule de commissariat où Eugénie attend d’être conduite devant un juge. Là, elle rencontre une jeune Gitane et commence à raconter l’histoire de sa famille...