Là où je n’ai plus pied de Belén López Peiró (Donde no hago pic)
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Un jour, elle a parlé, elle a osé dire l’indicible, l’inconcevable. Même si son oncle était policier, même s’il a fallu beaucoup de temps, un jour elle a posé les mots et dénoncé. C’est forcément une prise de risque, va-t-on la croire, l’écouter, la consoler ou penser qu’elle en rajoute, que ce n’est pas si grave, qu’elle fabule ?
Belén López Peiró est journaliste. Elle est membre du collectif Ni Una Menos, « Pas une de moins », qui lutte contre les violences faites aux femmes et les féminicides. Elle a été abusée par un membre de sa famille et a décidé de porter plainte. Dans un premier livre « Pourquoi tu revenais tous les étés », repris en première partie de ce nouveau recueil, elle présente les faits. Mais au lieu d’un récit linéaire, elle a rédigé un texte « coup de poing ». On y découvre des déclarations témoignages, des discussions, des réflexions personnelles de l’auteur ou de personnes qui l’ont côtoyée.
Cette construction offre de multiples entrées, autant de pièces d’un gigantesque puzzle de souffrance, de cheminement. On voit combien il est difficile de vivre après avoir subi ce genre d’acte qui touche à l’intimité. La douleur est terrible au moment où ça se passe mais également après quand il faut se battre pour être entendu. C’est chronophage, ça peut faire éclater les relations familiales, amicales. Elle a été courageuse en choisissant de parler et en écrivant. Elle l’a fait pour elle, c’est sans doute un exutoire, une forme de réparation. Mais aussi pour toutes les autres victimes, pour celles qui se sont tues, celles qui n’ont pas été cru, celles qui auront le même problème un jour et à qui elle montre la voie.
Des années après sa déposition, le procès a eu lieu, et elle partage tout ce qu’il a fallu mettre en place pour qu’il se déroule enfin, dans « Là où je n’ai plus pied ». La route a été longue entre les reports, les enquêtes, les interférences qui ont retardé le jugement. De nouvelles difficultés pour l’auteur et un traumatisme qui perdure. Elle explique combien il est compliqué de se relever, de justifier encore et toujours, même quand, tout simplement, elle n’a pas la force de sortir et de rejoindre ses amis ou face à son conjoint, au moment de faire l’amour etc. Les répercussions sont terribles, longues et douloureuses. Il faut se reconstruire jour après jour, parfois seule.
Je ne sais pas si ses écrits et la condamnation l’ont « réparée » mais je pense que ça l’a aidée et c’est déjà énorme. En plus, elle a certainement apporté beaucoup à d’autres femmes qui ont vécu la même situation et qui se sont senties moins seules. Maintenant, elle milite, elle continue la lutte pour les autres et c’est un moyen pour elle d’avancer.
L’écriture (merci à la traductrice) est puissante. Chaque mot est juste et touche le cœur. Le propos vous remue les tripes, vous fait serrer les poings de révolte. Mais Belén est forte, admirable car elle a décidé de ne baisser ni les yeux, ni les bras.
Un témoignage bouleversant !
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Lise Belperron
Éditions : Globe (3 Avril 2025)
ISBN : 978-2383613107
384 pages
Quatrième de couverture
Une fois que Belén a parlé, il n'y a plus de retour en arrière possible. C'est la parole, plus que l'acte dénoncé, qui fait voler en éclats la famille. Face à la révélation de l'inceste, les voix s'élèvent. Chacun a quelque chose à dire pour essayer de rendre l'inacceptable tolérable et justifier les abus de l'oncle policier. Plus tard, lors de la préparation du procès, c'est encore la parole de Belén qui est remise en cause. Pour espérer être entendue par la justice, il faut transformer ses traumatismes en récit et faire remonter à la surface les moindres détails du passé, au risque de perdre pied...