La librairie ambulante de Christopher Morley (Parnassus on Wheels)
Ce petit livre est paru en 1917. À part la lettre introductive écrite par l’auteur, il est rédigé à la première personne et c’est une femme qui s’exprime. Elle s’appelle Helen, économise pour essayer de s’acheter une voiture. Elle vend les œufs de ses poules, ses confitures et elle s’occupe du quotidien de son frère et d’elle-même dans la ferme qu’ils habitent en Nouvelle-Angleterre. Elle a trente-neuf ans et une vie assez morne : cuisine, ménage, couture, rangements …. Son frangin, Andrew, ancien homme d’affaires, a maintenant réussi et a un peu prix la grosse tête. Il se montre un tantinet méprisant avec elle.
Un jour, une espèce de roulotte s’arrête devant leur demeure. Elle est seule et discute avec l’homme qui la conduit. Le véhicule est aménagé en « librairie ambulante ». Le propriétaire sillonne les routes avec son cheval, son chien et ses livres qu’il vend au gré de ses rencontres. Il voudrait se poser pour écrire, raconter les anecdotes qu’il a vécues. Il a pour projet de faire affaire avec Andrew en espérant qu’il fasse l’acquisition du convoi. Helen, elle, a une envie de rébellion, elle a ras le bol de servir de bonne.
Un coup de folie, une envie de fantaisie ? Voilà que la transaction est signée. L’un vend, l’autre achète et les deux filent sur la route. Lui pour lui faire découvrir le métier, l’autre pour l’apprendre. Une lettre est déposée sur la table pour qu’Andrew soit informé. Le lecteur va suivre les premiers pas de la future libraire mais rien ne sera vraiment facile pour elle.
Ce roman est un petit bijou au charme suranné (déjà la couverture donnait le ton), à l’atmosphère exquise. Un récit avec de l’humour, de la sagesse, une pépite littéraire bien traduite (merci à Oscar Lalo) au phrasé pas si désuet qu’on pourrait le penser vu la première date de parution.
J’ai trouvé l’écriture très poétique et très évocatrice. Quand Helen parle du vendeur, c’est délicieux à lire.
« Déconcertée, j’observais ce petit coquin un tantinet ratatiné. Je découvrais une nouvelle facette de cet aimable idéaliste. Il y avait en lui, à côté de son doux amour des livres, un grain de diablerie intrépide. »
C’est une femme attachante qui va se découvrir en cheminant. On la voit évoluer, prendre de l’assurance, s’émanciper. Et à cette époque, ce genre de comportement, c’est une vraie révolution ! On verra comment certains s’y prennent pour entraver ses velléités d’indépendance.
Le texte est parsemé de références littéraires, elles sont très bien introduites. Les arguments pour conseiller les futurs acheteurs sont fins, drôles, raffinés.
« Un homme qui a quelques bons livres chez lui rend sa femme heureuse, donne à ses enfants un bon départ dans la vie et est susceptible d’être lui-même un meilleur citoyen. »
Cette lecture a été une parenthèse enchantée, une bulle de délicatesse. Les scènes et les relations entre les uns et les autres sont décrites avec une plume teintée de pureté. Je ne sais pas vraiment comment définir ce ressenti. C’est une histoire simple mais très belle, qui n’a pas besoin finalement d’être « décortiquée », analysée, il faut la lire tout simplement et se laisser porter par l’émotion qu’elle procure…..
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Oscar Lalo
Éditions : Récamier (8 Février 2024)
ISBN : 9782385770372
196 pages
Quatrième de couverture
Roger Mifflin, vendeur charismatique, sage et farceur, traverse la Nouvelle-Angleterre à bord de sa célèbre librairie ambulante, chariot de fortune renfermant un immense trésor : des livres de toutes sortes, allant de Shakespeare au livre de cuisine. Un jour pourtant, il décide de vendre sa librairie ambulante à une certaine Helen McGill qui, du haut de ses trente-neuf ans, est plus que lasse de s'occuper de son frère Andrew et de leur ferme.