Beaux rivages, de Nina Bouraoui
Une chronique de Cassiopée.
Rien n’est jamais acquis à l’homme…
Ce récit se situe entre la tuerie au journal Charlie Hebdo (janvier 2015) et l’attentat contre le Bataclan (novembre 2015). C’est une période où les gens sont dans l’urgence de vivre, de profiter de chaque instant mais également, pour certains, en plein doute.
Il s’appelle Adrian, elle se nomme A. Elle a longtemps pensé que leurs initiales communes étaient « un signe », un de ceux qui préfigurent un grand Amour, avec un A majuscule comme leurs prénoms. D’ailleurs, elle se présente comme A. Comme si elle était transparente en dehors de son « nom », ne vivant que par leur relation, n’existant qu’à travers cette lettre, « leur » lettre…. C’est elle qui parle, qui autopsie, dissèque son départ à lui pour une autre…. Les signes avant coureurs qu’elle n’a pas vus (ou pas voulus voir ?), les silences, les absences. Ils se voulaient libres, chacun chez soi et ensemble, chez l’un ou chez l’autre. Et puis, un jour, l’annonce par texto….Et pour elle, la lente dégringolade…. « Adrian avait détruit l’espérance…. »
Que faire ? Sombrer dans le désespoir ou se battre et avec quelles armes ? Elle découvre que sa rivale, l’autre, son ennemie détestable tient un blog où elle s’expose, se met en scène avec ou sans Adrian, à la vue de tous, donc de A. Pourquoi agit-elle ainsi ? Est-ce une méthode pour reléguer A ., loin, très loin, est-ce une façon de se persuader qu’Adrian et elle existent en tant que couple ? Et pour A., comment agir ? Elle ne sait plus … Doit-elle se tenir éloignée de ce mode de communication ou au contraire, regarder jusqu’à plus soif, pour guérir de son aimé en le reléguant au range des souvenirs? La femme qui tient ce blog choisit-elle ce qu’elle expose pour la faire souffrir de l’autre côté de l’écran ou ne fait-elle que ce qui lui plaît: poster des photographies avec des commentaires? Jusqu’où la manipulation des réseaux sociaux peut-elle aller ? Un lien existe, A. ne peut le nier, mais est-il sain ou pervers ? Va-t-il l’aider à guéri r ou la détruire encore plus ? « Nous étions reliées, en dépit de la haine que j’éprouvais. »
Le style de Nina Bouraoui est à découvrir. Les phrases sont longues, très longues, seulement rythmées par quelques virgules. Comme lorsqu’on se confie, presque en apnée, reprenant de temps à autre sa respiration. Les vannes sont ouvertes alors elle parle, elle parle… On dirait qu’il lui faut tout dire, tout révéler avant que le souffle lui manque….. Elle joue avec la ponctuation, les ellipses, un phrasé parfois saccadé pour nous transmettre toutes les questions qu’elle se pose, tous les souvenirs qui surgissent, l’espoir que peut-être …. et puis tout d’un coup le fait que, à quoi bon espérer, croire en d’autres possibles ? Le ton est juste, c’est celui des êtres blessés dans leur cœur, celui de ceux qui veulent comprendre le pourquoi (mais y-a-t-il quelque chose à expliquer dans les sentiments ?) lorsqu’un jour leur univers s’écroule…..
« L’amour est à réinventer » a dit Rimbaud. L’écriture de l’amour aussi et Nina Bouraoui le fait bien joliment….
Beaux rivages
Auteur : Nina Bouraoui
Éditions : Jean-Claude Lattès (24 Août 2016)
252 pages
ISBN : 9782709650526
Quatrième de couverture
C’est une histoire simple, universelle. Après huit ans d’amour, Adrian quitte A. pour une autre femme. Beaux rivages est la radiographie de cette séparation. Quels que soient notre âge, notre sexe, notre origine sociale, nous sommes tous égaux devant un grand chagrin d’amour. Les larmes rassemblent davantage que les baisers. J’ai écrit Beaux rivages pour tous les quittés du monde. Pour ceux qui ont perdu la foi en perdant leur bonheur. Pour ceux qui pensent qu’ils ne sauront plus vivre sans l’autre et qu’ils ne sauront plus aimer. Pour comprendre pourquoi une rupture nous laisse si désarmés. Et pour rappeler que l’amour triomphera toujours. En cela, c’est un roman de résistance.