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Publié par collectif-litterature

Une chronique de Marie.

 

Je me souviens avoir terminé la lecture du premier roman de Tatiana Arfel, L’attente du soir, les larmes aux yeux, mutique face à tant de beauté, gorge nouée en disant que je n’avais pas lu un aussi beau roman depuis au moins dix ans. Je pensais alors à des romanciers comme Julien Gracq, Michel Tournier, Nathalie Sarraute à qui j’aurais octroyé, sans hésitation aucune, le prix Nobel de littérature.

 

deuxieme vie

Aujourd’hui, Tatiana Arfel nous livre son troisième opus. Après l’avoir dévoré une première fois, trop vite, j’ai pressenti une richesse telle que, pour pouvoir l’apprécier pleinement, j’ai compris qu’une deuxième lecture, plus attentive, s’imposait. Un roman de qualité ordinaire se relit péniblement. Celui-ci, au contraire, recélait des trésors qui auraient nécessité des lectures multiples.

 

J’espère que le lecteur ne m’en voudra pas de citer un peu longuement certains passages. Non seulement ils forment un tout cohérent, mais ils permettront d’apprécier pleinement tout le talent d’écriture de notre jeune romancière.

 

Alors ? De quoi est-il question ? Le titre, me semble-t-il, est assez explicite. La deuxième vie d’Aurélien Moreau. Pour qu’il y ait deuxième vie, il faut qu’il y en ait eu une première. Et de fait, c’est l’histoire d’une renaissance ou, pour mieux dire, d’une résurrection. Car il s’agissait bien, pour Aurélien, de s’extraire d’une non-vie, une mort sociale car mort aux autres, une mort psychologique car mort à soi, une quasi mort charnelle car mort aux sens. « … j’ai toujours été mort », dit-il. C’est qu’Aurélien a passé sa première vie au fond d’un lac, amené là par la fée Viviane, figure sur laquelle il nous faudra revenir. Mais c’est un lac gelé, or le lac gelé symbolise l’inconscient. Il y fait maintes fois allusion ainsi qu’à l’eau et au miroir dont le symbolisme, associé à l’eau, est extrêmement riche. On ne peut s’empêcher de penser à ces vers de Mallarmé dans Hérodiade : « Ô miroir ! / Eau froide par l’ennui dans ton cadre gelée/ Que de fois et pendant des heures, désolée/ Des songes et cherchant mes souvenirs qui sont/ Comme des feuilles sous ta glace au trou profond,/ Je m’apparus en toi comme une ombre lointaine,/ Mais, horreur ! des soirs, dans ta sévère fontaine/ J’ai de mon rêve épars connu la nudité. »

 

Alors ? Aurélien serait-il donc un nouveau Lancelot ? Va-t-il, comme le chevalier de la Table Ronde, voler au secours des faibles et des opprimés ? Va-t-il, à son tour, affronter un ou des Méléagant, ce méchant de la légende arthurienne ? Va-t-il, lui aussi, se transcender par l’amour ?

 

L’art de la composition 

 

La structure même du roman, en sept parties, prend en compte les deux vies du personnage. La première partie met en place l’intrigue du roman : une série de personnages défile devant un enquêteur pour statuer sur Aurélien. On s’interroge : qu’a pu faire Aurélien pour justifier ces interrogatoires ? De manière fort habile, l’auteur brosse un portrait en creux de tous ces personnages secondaires tout en suscitant l’intérêt et la sympathie du lecteur pour son héros.

 

De manière parfaitement équilibrée, la quatrième partie – le milieu du roman – constitue la charnière entre sa première et sa deuxième vie. Les parties trois et six, juste avant la charnière et avant le dénouement, sont de loin les plus étoffées. La troisième partie, intitulée « Apnées », nous plonge dans les profondeurs de l’âme d’Aurélien. Le terme « apnées », judicieusement choisi, va d’ailleurs jouer sur la polysémie du verbe « expirer ». Jusque là, Aurélien s’était construit une carapace – sa « cotte de mailles », comme il l’appelle – pour se protéger du monde extérieur, mais, à la faveur des « mots sorciers », il va peu à peu ouvrir les yeux et son cœur. En témoigne cet extrait sur une promenade dans la campagne beauceronne : « De nouveau dans les champs, comme les jours passés. N’avais pas réalisé à quel point ils nous encagent, passée la ZAC et la ville nouvelle, hors nos résidences aux parcs gazonnés, c’est l’invasion du marron nourricier. M’interroge cependant sur ce que peut produire une terre si triste, si pareille à elle-même des quatre côtés. Des céréales régulières, pas de doute, des céréales stables, conformes, pour travailleurs quotidiennement affamés. J’ai vu un tracteur, ce matin. Rouge sous le ciel gris, il m’écorcha les yeux, c’est qu’on s’habitue vite à toujours voir la même chose, en me couchant le soir je me crois encore dans un champ marron. Je l’ai regardé de loin, grosse bestiole qui retournait des mottes, sillon par sillon, rigoureux et organisé, dans cette solitude de la terre qui finira par nous digérer. J’ai entendu quelques bribes de conversation, de musique. L’homme poussait la radio à fond, comme je le comprends, comme il est pénible, ici, en plus de tout le reste, de s’entendre penser. Pour la première fois, je me suis senti… Proche… De quelqu’un… Cet homme manœuvrant son immense machine, menant à bien un labeur insensé… Proche. J’ai eu peur.

Je suis rentré à la maison. »

 

Il y a des accents zoliens dans ce passage. Notamment l’allusion au « marron nourricier », à la « terre qui finira par nous digérer », aux « travailleurs quotidiennement affamés » et la personnification du tracteur, perçu comme une « grosse bestiole ». 

 

Outre les « mots sorciers », il faudra à Aurélien, pour ressusciter, l’opportunité de quelques rencontres, jusqu’à la révélation lumineuse de Fra Angelico qu’il découvre au Museo di San Marco : « Fra Angelico ne transmet pas de dogme. Ne donne pas de leçons et ne menace de rien. N’a que son cœur immense à faire partager. Qui habite chaque fresque, et doucement s’en détache comme vapeur dorée, flotte vers nous pour nous contaminer. Le cœur grand, le cœur nu, est infiniment triste. […] La vapeur s’en vient attendrir mon cœur à moi, mon cœur encore bien bardé. De la crainte de l’autre, du refus de la proximité, de la peur de souffrir, de l’envie de tout refermer. La vapeur amollit une nouvelle couche de la cotte de mailles. Elle me rassure. Tu peux supporter de vivre sans détourner le regard, d’un mendiant des informations d’un animal blessé hurlant son incompréhension. C’est le seul chemin, qui dure toute la vie. Attendrir tout du long, exercer métier d’humain. »

 

Quant à la sixième partie, prélude au dénouement, elle constituera l’acmé de cette seconde vie annoncée par le titre. Malgré la richesse stylistique et l’intensité dramatique de certains passages, j’éviterai d’y faire allusion pour ne pas rompre le charme de la découverte.

 

La symbolique des personnages

 

Je laisserai au lecteur le soin de découvrir les Méléagant du roman. Il ne tardera pas à s’en faire une idée dès la lecture de la première partie.

 

Avant d’évoquer le symbolisme des personnages féminins, deux mots sur ce qui pourrait s’apparenter à une trinité ou une triade si l’on préfère. Trois personnages vont en effet tisser la destinée d’Aurélien par une sorte de maïeutique destinée à l’extraire de sa gangue, sa « carapace ». Il y a, tout d’abord, Ludivine, sa mère, dont le joli prénom forme, dans notre langue, une sorte de mot-valise associant ludus (jeu) et divine. J’ignore si telle était l’intention de l’auteur, mais en livrant certains détails qui font mouche, n’invite-t-il pas le lecteur à apporter sa pierre à l’édifice ? Par ailleurs, jeux de mots, jeux de langage, complicité amusée entre la mère et le fils pourraient bien justifier cette interprétation. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Ensuite, il y a Baptiste. Ici encore, ne peut-on voir dans ce prénom une référence à Jean le Baptiste, le baptême étant assimilé à une renaissance ? Par ailleurs, une œuvre de Fra Angelico, intitulée Le baptême du Christ, est exposée au Museo di San Marco. Se greffe au personnage un autre symbole, nullement incompatible, mais plutôt complémentaire : celui de l’Enchanteur Merlin, autre personnage de la matière de Bretagne, celui qui sait user de magie et autres sorcelleries. Mais je laisse au lecteur la surprise de découvrir pourquoi. Enfin, dernier personnage de la triade, Marcellin, fils cadet d’Aurélien, lequel va préfigurer une communauté de destin avec son père lorsqu’il évoque sa formation professionnelle : « Mon travail est un métier. On apprend peu à peu, en compagnonnage. C’est-à-dire un ancien, qui vous transmet ce qu’il sait, un ancien qui vous guide, vous félicite et vous rudoie. Qui vous élève. Je n’ai pas été élevé, avant. Aussi, c’est être seul, face à la matière. Ce n’est pas un combat, non. Plutôt une rencontre amoureuse. »

 

Autre série de personnages symboliques : les femmes. De cette série, retranchons l’épouse, Victoire, dont l’ancrage rédhibitoire dans le réalisme le plus cynique interdit de l’associer à quelque symbolisme que ce soit.

Les autres, plus ou moins ouvertement, peuvent être reliées à Viviane dont on trouve une première mention dans « Les carnets » d’Aurélien :

« Jeudi 2, Sainte Viviane

Viviane personnellement connue : fée — . M’a emmené depuis longtemps au fond du lac, depuis a disparu. Je n’ai pas pu remonter seul. »

 

Il s’agit de la fameuse Dame du Lac, celle qui a élevé Lancelot au fond d’un lac dont il croyait ne plus pouvoir ressortir, ignorant qu’il s’agissait d’un passage secret menant à l’île sacrée d’Avalon. C’est la fée Viviane qui enseigne à Lancelot les lois de la chevalerie : en parfait chevalier il doit protéger les faibles contre les abus des forts.

 

Parmi les femmes, nous pouvons tout d’abord citer Ginette, patronne du restaurant pour routiers, puisqu’elle est la première à l’éveiller au sens du goût. Vient ensuite Françoise, hôtelière sur une île bretonne, explicitement assimilée à Viviane et qui, elle aussi, l’éduque au sens du goût : « Le café déjà prêt veut dire quelqu’un est levé, tu n’es pas seul, comme quand j’étais enfant. Je me débarbouille un peu, pas de douche encore, trop tôt, plus de violence, juste descendre les marches, m’attabler avec lenteur, dévorer les tartines beurre et confiture, fraises des bois, mûres, orange amère, toutes sans étiquette, il y a un humain derrière, pas un grand robot qui mélange au kilomètre et goûte avec une langue électronique avant d’apposer son code-barres. » Sur son chemin, Aurélien va également rencontrer l’aide-soignante, l’oiseau des îles, Célestine, celle qui lui apprend combien le sens du toucher peut être bénéfique et voluptueux : « Mon corps par ses cinq sens est finalement miraculé. »  Il y aura aussi « la femme-fée, nouvelle Viviane », Adonia, celle qui tient une maison d’hôte sur l’île grecque d’Égine. Remarquons, au passage, la présence récurrente des îles. Est-ce vraiment un hasard ?

 

On peut citer incidemment Sylvie Thibault, la collaboratrice et complice d’Aurélien.

Et puis… et puis, Aurélien rencontre Giovanna dont le prénom évoque, entre autres, la jeunesse, comme la promesse d’un nouveau départ, l’exubérance et la découverte, une Viviane, encore. Serait-elle la nouvelle Guenièvre ?

 

Enfin, il y a Ludivine, la mère. Elle n’est jamais associée directement à la fée Viviane, mais les nombreux souvenirs d’enfance d’Aurélien peuvent être considérés comme l’indice d’une assimilation implicite à cette fée. Fragilisée par sa maladie, par un deuil jamais surmonté, écrasée par l’autorité de son époux, elle n’a, pour autant, jamais privé son fils d’amour, nouant avec lui des liens de complicité, notamment par le truchement du langage. Ce qui nous amène à évoquer l’importance accordée aux mots dans ce roman.

 

Le thème des « mots »

 

Dès le début du roman, on voit à quel point les mots sont importants pour Aurélien, importants et nécessaires. En effet, les carnets du début pallient les défaillances de la mémoire. Aurélien ne saurait s’en dispenser pour rassembler quelques bribes de sa vie. Sans eux, comment s’assurer que l’on a effectivement vécu ? Mais ce sont de pauvres bribes, rédigées en style télégraphique, de sèches notes relatant l’essentiel des faits.

 

Par ailleurs, il est souvent fait allusion aux « mots-sorciers » dans le roman. Le lecteur découvrira peu à peu le sens que recouvre cette expression. Disons simplement que cet élément perturbateur va bouleverser la vie d’Aurélien.

 

Suite à sa confrontation aux « mots-sorciers », Aurélien va devenir plus sensible aux mots, à l’écriture de ses carnets, il va polir son expression et deviendra également plus attentif aux mots des autres. Par exemple, lorsqu’il discute avec son beau-père, Alphonse Lambert, il restitue les paroles de ce dernier avec quelques aménagements, comme le ferait un écrivain soucieux de soigner les conventions, mais surtout d’épargner sa propre sensibilité : « Alphonse ne parle pas comme ça, évidemment, il éructe un vocabulaire sommaire, c’est moi qui dispose et organise ses mots pour les rendre plus supportables : je lisse leurs pointes et les polis comme des cailloux jusqu’à pouvoir les avaler sans m’en rendre malade. » 

 

Puis, à la suite d’un épisode particulièrement éprouvant, Aurélien est plongé dans un coma dont il émerge nanti d’un nouveau langage : « J’ai fourché la crevasse. J’ai congé des eskimos enflés. Près le vent nu je quête et remue, sur l’alèze. Sont des tronçons d’arc-en-ciel. Coquilles ardoises étranges carquois. Sont des torpeurs. Feu ambroisie compactions herbes, groupuscule effleurant du tard. Sont des claquements oreilleux […] »

Seule sa mère est à même de le comprendre puisqu’elle aussi est victime de cette altération du langage :

– « Maman… Je vole ivre…

–        Je le sachant, naturellement tu veux vivre, mon aimé… Tu vas vivre, c’est annoncé.

–        J’ai fourché la crevasse…

–        Oh ! Comme je suis joyeuse pour toi ! La surface tu crevas, enfin ! Tu n’as plus de vitrail sans doute ? J’ai essayé longtemps ce fut, mais je n’étais point prête. |… ] »

 

Peu à peu, Aurélien va se forger un nouveau langage, fait de néologismes bâtis sur des mots déjà existants ou rénovant de fond en comble la syntaxe classique : « Égine. Je dis à haute voix et le nom me convient, il est velouté alangui sur la langue, j’image une île déesse étendue paresseuse, à demi dénudée, l’eau violette pour coussin, sa couronne renversée par une infinité de siestes, et un verre à la main. Égine est élue, je cliente le billet à une cahute blanche, pénètre le bateau par son entraillement […] » 

Enfin, on appréciera toute la poésie des dernières pages du roman où Aurélien joue de l’anaphore de « ceux qui… » ou « ceux… » : « Mais ce qu’il y a à prendre, je le vivrai. Pour moi pour ma mère pour ceux qui m’ont précédé. Pour ceux qui vivent écrasés dans une tour hideuse. Ceux qui se cachent des huissiers. Ceux à qui on a ôté tous leurs meubles sous les yeux des voisins pincés. Ceux qui dorment sur une bouche d’aération. Ceux qui n’ont pas le luxe de regarder le ciel, prennent le bus de nuit pour nourrir oisillons, se fracassent en sommeil sans pouvoir rien avaler […] »

Véritable poème en prose où perce une certaine charge critique.

 

Ainsi, non seulement le personnage va renaître à la vie, mais il va également renaître à un nouveau langage ; il va peu à peu apprécier la beauté des mots, les goûter comme on le ferait d’une gourmandise. Rien n’empêche de considérer cette réflexion sur les mots et le langage comme une mise en abyme de l’écriture romanesque, l’écriture étant alors donnée comme construction de soi et comme passerelle pour atteindre l’Autre.

 

 

L’humour et la dérision

 

Certes, le roman de Tatiana Arfel fait la part belle à la symbolique, à la poésie, à la réflexion sur le langage. Certes, elle a particulièrement bien soigné la construction de son roman. Elle n’en oublie pas pour autant de porter un regard féroce sur notre société de robots-consommateurs déshumanisante et féroce. D’où l’esprit de dérision qui anime certains passages. Des preuves ? J’en ai ! Lisez plutôt ceci :

 

« La ZAC se signale bien à l’avance par la multiplicité des panneaux publicitaires qui se succèdent de plus en plus serrés, intiment de venir voir et beaucoup consommer, consommer tranquillement, consumer en paix, on s’occupe de vos enfants, il y a une cafétéria, depuis quand marchez-vous sur la même moquette, êtes-vous sûr de votre haleine, notre viande est d’origine française, numéro un de la piscine hors-sol, service après-vente garanti, un nouveau matelas c’est une heure de sommeil en plus, et les frites sont à volonté, nos sandales vous attendent pour illuminer l’été, ici le sport sans la frime, votre chien habillé sur mesure, l’escalier automatique pour vos vieux jours, c’est là, tout est là et prépare le chaland, l’informe, explique, agite ses atours, en couleurs, en lumière, en réductions exceptionnelles car : “vous êtes le dix-millième client”. […] Alors pour passer d’un magasin à l’autre on escalade des barrières, des terre-pleins, c’est l’aventure moderne, notre dernière forêt vierge, on fait bien attention, les camions vrombissent ici toute la journée, gavés de cargaisons internationales, les chauffeurs sont pressés d’arriver, n’ont pas dormi depuis la Pologne. […] On ne vient pas manger, bien sûr, les aliments sont les mêmes dans toutes les chaînes, seul l’habillage change. Tout arrive en tubes et pâtons réfrigérés, il n’y a qu’à mettre à lever, tordre, donner la bonne forme, colorer, arranger, servir, servir beaucoup, jeter ensuite. On n’a jamais faim, de toute façon.

 

Alors on tourne, on tourne, et on regarde surtout les enseignes au néon. De jour ce sont d’immenses boudins de plastique dans des couleurs passées, qui donnent le sentiment que toute la ZAC est très vieille, déjà hors d’usage, qu’elle n’a pas eu de maturité, est passée du flambant neuf à la décrépitude d’un seul élan. Pas de temps donc ici non plus, mais remplissage de l’espace, il manque des lettres à quelques enseignes, ce n’est pas grave, l’œil discipliné devine et l’esprit ingère le message, on s’en rappellera toute sa vie, Chambourcy, oh oui. Des matières neuves, pas de vieilles pierres, pas d’histoire et pas d’avenir, tout restera comme ça, jusqu’à tomber directement en poussière, un beau jour : évaporation. Et ce sera à nouveau le désert.

On attend la fin du jour pour voir les enseignes s’allumer. […]  On est fasciné par les enseignes mourantes qui grésillent lamentablement, derniers feux d’une incitation pourtant éternelle, si l’une expire ça ne compte pas, il y en a cent pour se lever ensuite, ce n’est qu’un début, continuons le combat. »

 

J’espère que l’auteur ne m’en voudra pas trop de citer ce long passage : mais comment tronquer cet ensemble sans lui ôter tout son sel ? Sans mutiler la qualité de sa stylistique, la justesse du regard, les clins d’œil relatifs à certains slogans… Un vrai petit bijou !

 

De temps à autre, quelques notes humoristiques dont l’insolence nous fait sourire. Ainsi, dans les Carnets d’Aurélien, quelques commentaires à propos des dictons qu’il y transcrit : « Dicton : L’oisiveté est mère de tous les vices. NB, les vices sont donc de père inconnu. », ou encore : « Dicton : La nature a horreur du vide. Prévision pour demain : retour au plein. » Toujours dans les Carnets où sont consignés d’autres informations utiles : « Mercredi 24, Sainte Flora

 

Flora personnellement connue : Inter–, livraison de fleurs homologuées pour clients          importants. »

Dans le passage relatif à la ZAC, que j’ai malgré tout légèrement amputé, cette référence inattendue au film de Stanley Kubrick, Full metal jacket : « Chef, oui, chef. »

Enfin, un dernier passage où Aurélien est dans le coma : « Pourtant il paraît qu’à mon arrivée ici je fus gardé par la marée chaussée (dans le coma on n’entend pas ses bottes claquer.) »

Ces quelques jeux de mots et autres espiègleries pour bien montrer que Tatiana Arfel, malgré le sérieux de ses propos, est loin d’avoir l’esprit chagrin.

 

Voilà. Mon petit tour d’horizon prend fin. Je vous laisse découvrir, si ce n’est déjà fait, ce beau roman, ce petit chef-d’œuvre concocté par la très jeune romancière qu’est Tatiana Arfel. Je ne saurais trop vous encourager à vous procurer plusieurs exemplaires, pour vous, pour les offrir à des êtres chers, car il faut encourager les grands talents et ils sont si rares. Merci du fond du cœur, Tatiana, pour les beaux moments que vous m’avez offerts et longue vie littéraire à vous !

 

La deuxième vie d’Aurélien Moreau
Tatiana Arfel
Editions José Corti

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