Par la fenêtre, de Nicole Giroud
Une chronique de Cassiopée
« Tu verras Maman, tu seras bien. »
Lorsque viendra l’âge des cheveux blancs, d’un corps moins tonique et peut-être d’un esprit moins vif, je n’aimerais pas entendre cette phrase….
C’est, en substance, ce qu’a dit Jean à Amandine, sa mère. Son mari, « le Père », décédé, elle pensait retrouver une certaine forme de liberté, elle qui n’avait pas eu un mariage heureux. Mais il en a été autrement. Le tyran, plus âgé qu’elle, avait tout prévu. Elle s’est retrouvée sans rien, obligée d’obéir encore mais cette fois-ci à son fils.
Jean a joué sur les mots, ce n’est pas une maison de retraite, c’est un EMS (établissement médico-social), ça fait plus propre, plus médical, plus adapté, ça éloigne le spectre de la dernière demeure, on est en Suisse romande alors on fait attention à la « présentation ». Chaque pensionnaire est un cas particulier, n’est-ce pas ? Soulignent les responsables. On parle des activités, des visites organisées pour les résidents, de tout ce qui, en fait, n’est qu’une vitrine …. Mais les enfants peuvent partir, faisant comme si…
Tout ce qui, semble-t-il, est mis en place, les déculpabilise, leur permet de quitter ce lieu sans se retourner, de peur de croiser le regard de leur père, de leur mère….
Alors, Jean s’est éloigné. Il a laissé Amandine. Après tout, elle n’était plus seule, elle avait des compagnes, des compagnons, on s’occupait d’elle, elle n’avait plus de soucis… Le statut de mari l’a occupé, il est venu moins souvent puis presque plus….
Et elle ? Que faire ? Glisser tout doucement vers la tristesse ? Ou résister ? Amandine a choisi : elle a résisté.
Comme elle l’avait déjà fait dans son couple en s’évadant grâce aux livres qu’une voisine lui prêtaient en cachette. Ses mots sont devenus sa liberté de penser, de parler.
« Il n’est jamais trop tard pour se créer une autre vie ; elle n’a pas besoin d’être heureuse, quand on n’a pas l’habitude c’est difficile d’inventer le bonheur, mais il faut qu’elle fasse rêver, qu’elle dilate l’espace et le temps pour offrir un intervalle de liberté. »
C’est pour cette raison qu’elle a créé son double, Amanda, une autre face d’elle-même, qui aurait vécu en Amazonie avant d’être à l’EMS. Elle a raconté son quotidien à ses congénères, captivés et retrouvant ainsi l’enthousiasme de la vie.
[….les yeux deviennent vagues, se ferment ou au contraire fixent la conteuse, les gestes sont suspendus et la parole domine tout. »
Malgré ces parenthèses enchantées où elle scotche son auditoire et qui lui permettent de tenir, Amandine veut sa maison, les bruits de sa campagne, les odeurs…. Et si elle fuyait ? C’est difficile, c’est risqué …. Mais pourquoi pas ?
C’est avec une écriture emplie de délicatesse que Nicole Giroud évoque cette femme. On passe d’Amanda à Amandine. On voudrait « leur » tenir la main, dire qu’il y a encore des raisons d’espérer, de vivre …. On rêve pour elle (s), on espère ….
J’ai trouvé ce roman magnifique. L’auteur évoque la vieillesse, la famille, les choix des enfants avec pudeur, subtilité. Son récit intimiste est bouleversant et l’épilogue fait monter les larmes…. Un texte superbe qui parle au cœur….
Éditions : Les Escales (5 Novembre 2020)
ISBN : 978-2365695527
340 pages
Quatrième de couverture
Pour échapper au morne quotidien de la maison de retraite, chaque soir, Amandine Berthet offre à ses compagnons d'infortune une évasion : tous s'envolent en pensées vers le Brésil et le delta de l'Amazonie. Pourtant, la réalité d'Amandine est bien éloignée de ce conte si romanesque et exotique. Alors, quand Amandine entrevoit la possibilité de réellement s'évader de la maison de retraite, elle n'hésite pas.