“Viviane Elisabeth Fauville”, de Julia Deck
Une chronique d’Astrid
Rentrée littéraire : “Viviane Elisabeth Fauville”de Julia Deck, un premier roman épuré de trop bon goût
Viviane Elisabeth Fauville, un nom qui claque comme celui d’une héroïne de Nouveau Roman, un nom avec en creux des « je t’aime, tu me tues, tu me fais du bien ». Longue, pâle, le cœur émacié, le corps enveloppé dans un manteau gris, Viviane Elisabeth Fauville déambule sous les nuages de la gare de l’Est, serrant contre elle une enfant qui oublie ses larmes. C’est qu’elles pleurent à l’intérieur toutes les deux. A l’intérieur d’une vie dépossédée de la chair, une vie au goût de formol où le scalpel chirurgical des petites habitudes a remplacé le jour. Quittée brusquement par un époux trop beau, trop désiré, Viviane Elisabeth Fauville s’introduit dans l’ancienne demeure conjugale où l’attendent les couteaux de mariage, aussi bien aiguisés que déterminés à s’introduire dans les chairs de son psychanalyste. Viviane Elisabeth Fauville, quarante-deux ans, cadre supérieure, bourgeoise givrée tout en dedans, va mettre fin à une lente agonie de l’âme et planter dans les entrailles du Monsieur qui dit ni oui ni non, du Monsieur qui baille quand on se raconte, le couteau tranchant de son dépit. Mais la police veille et le crime parfois paye mieux que la vie.
Editeur exigeant, les Editions de Minuit privilégient les audaces littéraires ou encore l’esthétisme et enrichissent avec Viviane-Elisabeth Fauville ce patrimoine singulier de mots sobres et précis chers aux maitres du nouveau roman. Visiblement très à l’aise avec les pronoms personnels, variant au gré des atermoiements de son héroïne, Julia Deck topographie la psyché fragmentée d’une femme. La folie gronde en dedans mais l’allure reste irréprochable. Le chaos mental de Viviane Elisabeth Fauville vagabonde dans un Paris que l’auteure choisit de millimétrer tout en respectant avec minutie les feux rouges. Et ce respect de l’ordre, du passage piéton, est justement l’écueil de ce roman épuré où l’on cherche en vain d’attendrissantes maladresses. On aimerait que la sécheresse cérébrale de cette femme triste se cabre, on aimerait que le vent la décoiffe, que son corps exulte sous celui d’un mauvais garçon. Mais rien de tout cela, les mots restent dans leurs cases lisses et cette histoire pourtant si profonde ne laisse pas l’émotion affleurer. Cette émotion, qui même pudique ou contenue, apporte la sève nécessaire aux grands personnages veillant encore sur nos mémoires littéraires. Une écriture désincarnée, qui atteint peut-être là un point de non-retour, en ne faisant que glisser aux côtés d’un personnage pourtant sublime, aurait probablement dit Duras.
Un premier roman de fort bon gout qui restera sagement en place dans votre bibliothèque.
Astrid MANFREDI, le 25/09/2012 (laisse parler les filles)
Auteure : Julia Deck
Editeur : Les Editions de Minuit
Nombre de pages : 155
Prix France : 13,50 euros