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Publié par collectif-litterature

La sierra dévore les gens.

Ariadna et Son compagnon Eloy s’installent pour un an, à Pueblo Chico, un petit village de montagne espagnol. Il a gardé son appartement en ville, au cas où. Et ils sont tous les deux en télétravail. C’est un lieu sans commerce, quelques camions passent pour approvisionner en pain, fruits, légumes etc. Les habitants sont plutôt âgés et taiseux. Ariadna sait que son père est né là mais comme il était orphelin, elle ne connaît pas grand-chose de son histoire. On la suit dans son quotidien pas toujours simple, fait de rencontres avec, entre autres, Pedro, un vieil homme du coin bien mystérieux, perdu dans ses souvenirs.

Elle réalise qu’il est le lien, entre les paroles confuses et égarées de son père avant sa mort et les vivants de ce lieu qui en savent sans doute plus sur sa famille qu’elle-même.

Quand on la laisse, on part dans le passé, d’une part Pedro partage ses ressentis, parfois un peu bizarres, et d’autre part un narrateur présente quelques douloureux événements. Dès le début, on s’interroge, qu’a vu, entendu, vécu, Pédro enfant pour être maintenant hanté au point d’en perdre ou presque, la raison ? Il erre dans un espace intermédiaire, son corps est ici et maintenant, mais ses pensées sont loin, perdues aux confins de ce qui l’a bouleversé. Il n’a plus que sa douleur et il se souvient, il imagine son père, sa mère …

« Il ne lui reste pas de mots de consolation, de mensonges salvateurs, mais les mots d’amour restés endormis pendant les années en montagne, loin d’elle, et qui se réveillent maintenant, inutiles. »

Le récit est fragmenté, on va, on vient mais on ne se mélange jamais. Peu à peu, se dessinent les raisons de la venue d’Ariadna. Pas des raisons officielles, mais indirectement, pour faire le deuil de son père, une nécessité d’un retour aux sources, à la source. A-t-elle seulement envisagé que ce serait, peut-être, douloureux, difficile, de lever le voile sur tout ce qu’on lui a tu ? Je ne pense pas, elle avance pas à pas, jour après jour, apprivoise ceux qu’elle croise, pas forcément pour les faire parler mais pour, sans le conscientiser vraiment, connaître le passé de cette bourgade.

Le lecteur voit que Pedro a été perturbé par des faits qui l’ont marqué à vie, au fer rouge. Il n’est pas fou, mais habité par certaines visions d’horreur de cette guerre civile espagnole qui a fait des ravages. Même les « yeux fermés », les réminiscences et les images défilent. Et il n’est pas le seul, je ne suis pas certaine que les voisins aient mieux vécu tout ça…. Preuve s’il en est besoin, que les cruautés de la guerre détruisent tout sur leur passage.

Y-a-t-il, même des années après, moyen de vivre en paix avec ce qu’on a appris ? Que fera Ariadna de ce qu’elle découvre, de ce qu’elle suppose, de ce qu’elle analyse ? Où est la place du pardon ? Et celle de la vie qui continue ?

Edurne Portela nous offre un texte fort, avec des protagonistes aux personnalités troubles, oscillant entre sincérité, non-dits, mensonges … Son écriture ciselée, son style puissant et porteur de sens, la construction de son roman, tout nous embarque au cœur de la vie de Pueblo Chico, au plus près de ceux qui ont subi le pire avant de se relever avec plus ou moins de difficultés et de souffrances cachées …. Un opus très réussi !

 

Traduit de l’espagnol par Marianne Millon
Éditions : Liana levi (7 Novembre 2024)
ISBN : 979-1034909889
178 pages

Quatrième de couverture

Pueblo Chico est un petit village de montagne apparemment paisible où vivent désormais quelques vieillards taiseux. De prime abord rien ne laisse penser que ce silence recouvre secrets et désirs de vengeance, et le couple venu de la ville pour y passer une année ne le soupçonne pas. Pourtant Ariadna,  qui a choisi ce lieu parce que son père y est né, sent bien que quelque chose est tapi au bord de la sierra…

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