La trilogie de Copenhague - Tome 3 : Dépendance (Gift) de Tove
Ce livre a été écrit en 1971, cinq ans avant le suicide de l’auteur. On peut considérer que c’est le tome 3 de ses mémoires. Nous découvrons Tove dans une période de sa vie où c’est une poétesse reconnue, avec une certaine notoriété. Mais elle a toujours une personnalité trouble. Elle est mal à l’aise avec les sentiments, elle aime sans aimer pour aimer, mais sans vraiment s’investir dans la relation. Ce qui la porte, la nourrit, l’enflamme, c’est l’écriture. Et pourtant écrire est resté longtemps secret et interdit pour elle lorsqu’elle était jeune. Sans l’écriture, elle n’existe plus. Tout lui semble fade. Son style est poétique, parfois épuré mais toujours porteur de sens.
« Je n’ai que vingt ans, mais je sens bien que la vie, hors de ces pièces vertes, file en fanfare pour les autres, alors que les journées me recouvrent insensiblement comme de la poussière, l’une après l’autre, toutes exactement semblables. »
Elle a besoin de poser des mots, de rédiger des poèmes, des romans, ou de parler de sa vie comme dans ce recueil. Elle le fait avec un naturel désarmant, sans filtre, ni pathos. Elle décrit ses émotions, les situations qu’elle traverse, elle dit ses besoins, ses angoisses…. On la sent fragile et en parallèle pleine de force lorsqu’elle prend une décision. Ella parle de ses mariages, de ses choix face à la grossesse, de ses priorités. On a l’impression qu’elle ne s’interdit rien ni dans son quotidien ni dans ce qu’elle choisit d’exposer au grand jour par ce texte. De qui, de quoi est-elle vraiment amoureuse ? Des hommes ave qui elle vit ou de ce qu’ils peuvent lui apporter ?
Elle raconte également ses dépendances, à l’alcool, à une certaine forme de drogues. On pourrait être choqué qu’elle dise les choses aussi crument mais son style (merci à la traductrice) sans fard, est limpide. Elle n’en rajoute pas, elle rédige et par choix, elle dit tout. Elle en est attachante et bouleversante de naturel, offrant son vécu avec une certaine simplicité.
Son récit évoque également la place de la femme dans la société danoise à l’époque, entre 1940 et 1971 à peu près. Elle cherche la sienne, comme si être « adoubée » en tant qu’écrivain n’était pas suffisant. Pourtant c’est son seul moteur, son seul désir. Elle ne se cache pas, elle se met à nu, quitte à déplaire, perdre le peu d’amis qu’elle a. Elle est en perpétuelle lutte pour rester entière dans ce qu’elle veut être. Je pense sincèrement que parfois, elle a fait de l’ombre aux hommes qui la côtoyaient et que cela ne leur plaisait pas. Elle dérangeait mais jamais elle n’aurait accepté de s’effacer.
On sent derrière cette femme régulièrement au bord de la névrose, la petite fille qu’elle a été, celle qui voulait être écrivaine, qui se sentait habitée par les mots, qui ne pouvait pas vivre sans écrire et qui le dit si bien. J’espère que malgré tout ce qui a été difficile pour elle, elle a su être heureuse.
Le titre original est Gift qui signifie à la fois marié et poison. C’est très significatif pour ce recueil sombre et éblouissant à la fois.
Traduit du danois par Christine Berlioz et Laila Flink Thullesen
Éditions : Globe (17 Octobre 2024)
ISBN : 978-2383612650
242 pages
Quatrième de couverture
Tove est désormais une poétesse publiée et reconnue, mais c’est avec les aléas des relations conjugales qu’elle doit maintenant composer. Alors que son premier mariage se défait, la jeune femme entre dans l’âge adulte et apprend, de la plus dure des manières, que le monde des femmes n’est décidément pas celui des hommes. L’appel de sa machine à écrire restera, comme un phare dans le brouillard, ce à quoi elle s’accrochera.