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Publié par collectif-litterature

« Peut-être que c’est ça, la vie, après tout : une liste infinie de transgressions qui n’empêchent pas les joies mais simplement les recouvrent, les deux listes se mêlant et se confondant l’une l’autre, tous ces petits moments qui constituent la mosaïque d’une personne, d’une relation, d’une vie. »

On est aux Etats-Unis, ça pourrait être bientôt ou plus tard … On se doit de rester vigilant… Seuls les américains sont des gens bien. Les autres, il faut s’en méfier, surtout s’ils sont asiatiques car c’est à cause d’eux que les problèmes économiques sont arrivés. D’ailleurs savent-ils élever leurs enfants ? Ne leur apprennent-ils pas des choses erronées ? Il est préférable de leur ôter la garde de leur progéniture, de les confier à des familles d’accueil qui les guideront dans le droit chemin, comme leurs enseignants. Les livres ont disparu, ou presque. Ne subsistent que ceux qui sont sélectionnés, choisis mais le plus souvent, comme disent les professeurs, ils sont obsolètes dès qu’ils sont publiés donc inutiles de lire… Le PACT (Preserving American Culture and Traditions Act : Loi sur la sauvegarde de la culture et des traditions américaines) a été instauré, il est considéré comme « crucial pour la sécurité nationale » et la plupart pensent qu’il a mis fin à la Crise. Dans les rues, partout, les étrangers essaient de se faire oublier, ils baissent la tête et se cachent. Dix ans que ça dure, que le monde est lisse, aseptisé.

Mais depuis, quelques mois, quelques-uns luttent dans l’ombre. Ils ont repris comme slogan, une phrase d’une poétesse sino-américaine, Margaret Miu. Elle, elle a tout fait pour ne pas se faire remarquer, ainsi que son mari Ethan et son fils Bird. Mais le gouvernement l’a dans le collimateur, ces gens qui se révoltent, c’est à cause d’elle, non ?

Comment faire pour ne pas mettre en danger sa famille ? Comment faire pour que les mots, les phrases, le vécu de chacun ne perdent pas de leur force, de leur intérêt ? Comment continuer de transmettre tout ce qui a existé, existe encore en quelque sorte et que les jeunes ignorent ?

Car c’est bien ça, entre autres, le nœud du problème. Le PACT isole, vide la spontanéité, tout semble policé, parfait, mais uniquement si on suit les règles imposées. La poésie de l’instant suspendu quand on croise une situation originale (je pense aux statues, aux arbres évoqués dans le récit) n’existe plus.

Cet excellent roman nous apporte le point de vue de Bird puis celui de sa Maman, mais tous les autres protagonistes sont très présents. On suit le quotidien, celui qui affole, qui fait peur ou celui qui donne envie d’espérer, de penser que l’homme peut être bon, à l’écoute, respectueux. On ne sait pas ce qu’il va se passer, tout est possible, alors on lit, on s’accroche car c’est très addictif ! On voit ceux qui se résignent, ceux qui ne baissent pas les bras et on ne sait pas de quel côté on aurait été parce que la peur est là….

L’écriture de Celeste NG est lumineuse, puissante, lyrique, fascinante. Elle vous embarque, vous met les larmes aux yeux, vous laisse le cœur en vrac, vous bouleverse, vous emplit d’un tas d’émotions, de sentiments …. Chaque phrase fait mouche, vous transperce, vous cloue….

Cette lecture est un coup de cœur mais également un coup au cœur parce que c’est douloureux de se dire qu’il faut faire attention pour que de tels actes ne voient pas le jour. En fin d’ouvrage, l’auteur nous parle de la genèse de son histoire et c’est édifiant.

Des recueils comme celui-ci sont indispensables pour ne pas oublier et ne pas perdre la liberté, nos libertés….

« Tous nos cœurs disparus
Disséminés, partis germer ailleurs. »

 

Traduit de l’anglais par Julie Sibony
Éditions : Sonatine (24 Août 2023)
ISBN : 978-2355849831
386 pages

Quatrième de couverture

États-Unis d'Amérique, dans un futur pas si lointain. L'existence de tous est rythmée par des lois liberticides. Tout citoyen de culture étrangère est considéré comme dangereux pour la société. Les livres tenus pour séditieux sont retirés des bibliothèques. À commencer par ceux de la poétesse Margaret Miu, disparue mystérieusement trois ans plus tôt.

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