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Publié par collectif-litterature

Savoy n’est pas en phase avec le monde dans lequel il vit. Trop de modernisme le bouscule, l’angoisse, le dérange. Il n’aime pas l’univers virtuel de plus en plus présent dans le quotidien. Lui, quand il paie son loyer, il y va en personne et avec de la monnaie. Et pourtant, de temps à autre, il achète en ligne, mais on ne peut pas l’assimiler à un acheteur compulsif. Il va sur des sites, observe, décortique, analyse, puis il se rend sur place pour finaliser la transaction. Le contact est essentiel et quand il est en face de la personne, il peut également « voir d’autres choses, d’autres gens…. »

Ce qui l’intéresse, c’est la vraie vie. Il veut être là., ressentir une atmosphère retranscrivant ce qui se passe. Humer les odeurs de cuisine, écouter les bruits de lessive, voir quelqu’un sortir de la chambre ou de la salle de bain. Être au plus près de chacun. Remplir sa vie de ces petites rencontres, presque fortuites, qui le captivent. Non, ce n’est pas un voyeur, il ne revient pas forcément chaque jour au même endroit, bien que de temps à autre, il retourne en visite dans un appartement déjà connu (lieu qu’il explore pour des connaissances qui cherchent un logement). Il tient à ce que ce soit éphémère. La nostalgie l’habite….

Alors incontestablement, il est incompris. S’il explique ce besoin ses amis s’interrogent…  Il n’éprouve pas le besoin de justifier quoi que ce soit. C’est ainsi, point.

Et un beau jour, Savoy fait connaissance avec Carla sur un site de rencontres. Un début de relation se noue. Mais la jeune femme parcourt le monde en allant de maison en maison et elle le laisse avec de quoi aller nager (lui qui déteste la piscine) et le mode d’emploi pour communiquer via ordinateur, à distance, avec elle. Savoy est perdu, ça ne l’intéresse pas, ni de barboter, ni de « Skyper »….

Mais comment pallier ce manque de « vrai », comment vivre avec cette moitié fantôme, celle qu’on ne peut pas toucher car elle est virtuelle ou/ et à distance ? Savoy est un original, mais il est comme beaucoup d’entre nous (sauf que c’est plus « visible »). Il cherche sans cesse l’amour le plus abouti, l’objet parfait … sans doute parce qu’ainsi il existe.

C’est avec une écriture singulière, presque philosophique, des phrases parfois longues et des dialogues indirects que l’auteur nous emmène dans l’univers de cet homme atypique mais attachant. Quelques fois, une pointe d’humour tourne en dérision une situation somme toute banale « Savoy confia la mission à ses pieds-aussi apeurés que lui- d’évaluer la température de l’eau. »

Dans ce récit surprenant, Alan Pauls démontre l’absurdité du virtuel, tel que certains l’utilisent. On peut jouer sur le lieu, tricher « Allo t’es où ? Je ne t’entends pas… » L’emprise et la place dans et sur nos vies de ce mode de communication est énorme.  Il est peut-être tellement superficiel que tout risque de se déliter d’un instant à l’autre, non ?

Le ton est assez souvent désuet, un peu à l’image du personnage principal, décalé, perdu dans un monde qui peut lui échapper avant qu’il ne le rattrape à sa manière. Le fond et la forme ont un petit quelque chose de délicieux comme une parenthèse enchantée.

 

Traduit de l’espagnol (Argentine) par Serge Mestre
Éditions : Christian Bourgois (6 avril 2023)
ISBN : 978-2267051360
386 pages

Quatrième de couverture

Savoy déteste son époque. Un pied dans son siècle et l’autre dans la nostalgie du précédent, il tient au contact humain, loin de la froideur des relations numériques. Un jour pourtant, il s’aventure sur un site de rencontre et fait la connaissance de Carla. La jeune femme, pendant un temps, met fin à la solitude de Savoy, avant de lui annoncer son départ. Elle lui laisse un manuel d’utilisation de Skype et un kit de natation pour seuls compagnons, et Savoy doit alors apprendre à se contenter des discussions en ligne avec Carla, loin du corps de l’être aimé…

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