Les brisants de Vanessa Bamberger
Marion a vingt-six ans, elle est restauratrice de tableaux anciens. Son métier la passionne, elle fait preuve de patience, de délicatesse, elle observe les repeints, nettoie, scanne les toiles de son œil de spécialiste avant de leur redonner vie. Côté cœur, c’est le calme plat. Elle a une relation forte avec sa mère, Edith, qui est à la fois critique et surprotectrice envers elle. Leur lien est ambivalent, toujours sur le fil. Elles s’aiment mais il y a des non-dits. En effet, Léo (Léonard) le frère bien aimé de Marion a disparu des années auparavant alors qu’il était en colonie sur l’île de Batz. Edith ne s’en est jamais remise, perdre un enfant, qui plus est le chouchou, est terrible pour un parent. Elle en parle souvent à sa fille, il était si merveilleux, et Marion, elle l’oublie ? Elle ne s’en rend pas compte mais son attitude étouffe sa fille.
Aussi lorsque celle-ci, à la faveur d’une découverte dans les papiers de sa mère, peut aller sur l’île de Batz et dans les environs, elle n’hésite pas. Espère-t-elle comprendre ce qui est arrivé à son frère il y a longtemps ? Souhaite-t-elle mettre un peu de distance entre sa mère et elle ? Est-ce pour cela qu’elle ne lui dit pas où elle se rend ?
Sur l’île, elle fait connaissance avec les habitants et réalise qu’ils savent peut-être quelque chose sur les événements passés. Mais elle n’obtient pas de réponses. Une espèce de solidarité les lie, ils se taisent, ou se contentent d’allusions. Elle-même ne dit pas qui elle est. Pour se protéger ? Pour obtenir des informations sans dévoiler son identité ? Pour profiter de ce lieu hors du temps ?
En partant là-bas, Marion ne se doutait pas que plusieurs de ses certitudes allaient être bouleversées, qu’elle ne sortirait pas indemne de ce séjour. La jeune femme avance dans la connaissance de son histoire personnelle. Va-telle réussir à s’en détacher, à s’émanciper ? Avec une écriture délicate, l’auteur nous emmène au plus près des « brisants », ces secrets familiaux auxquels on se heurte, sans savoir s’ils vont nous blesser, nous détruire ou si on va glisser contre eux.
Une atmosphère particulière imprègne ce roman. Tout d’abord les paysages îliens avec le jardin exotique, les embruns, les grandes marées, une nature sauvage où les algues brunes sont observées, décortiquées par les scientifiques, et puis les hommes et les femmes qui peuplent ce coin de terre imprégné de légendes. Ils sont liés à leur terre, ils se serrent les coudes et ils ne disent rien à ceux qui viennent « en étranger ».
C’est un récit de filiation, de résilience, d’acceptation, de cheminement, d’émancipation. Marion « grandit » au fil des pages, elle essaie de s’affranchir de tout ce qui lui pèse mais ce n’est pas si simple. Les obstacles sont là et quand il n’y en a pas, elle s’en construit toute seule, se refusant le bonheur …
Vanessa Bamberger propose dans ce livre une histoire finement ciselée. Les personnages, l’intrigue de fond sont travaillés, réfléchis et parfaitement intégrés au contexte. Une belle lecture !
Éditions : Liana Levi (30 Mars 2023)
ISBN : 979-1034907403
194 pages
Quatrième de couverture
Alléger le vernis, dégager les repeints, combler les lacunes requiert de longues heures de concentration et de patience qui permettent à un tableau ancien de renaître. Peut-on faire de même avec le passé ? Le jour où Marion décide de poser ses outils de restauratrice pour se rendre là où s’est nouée sa douloureuse histoire familiale, elle pense ainsi parvenir à se débarrasser des repeints dont sa mère a recouvert le drame qui les a frappées et l’image de son frère Léo, disparu sur l’île de Batz vingt ans auparavant.