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Publié par collectif-litterature

Il a été archiviste, il lisait, découpait, classait. Tout était soigneusement rangé dans des dossiers. Il y avait celui de Fabienne, Franziska, une chanteuse qu’il admirait. Et puis il a été licencié. À l’heure d’internet, plus besoin de garder de traces écrites, tout est sous format numérique et notre homme se retrouve au chômage. Il négocie avec ses employeurs le droit d’emporter ce à quoi il a consacré tout son temps. Il dépose tout cela chez lui et …. Il continue : découper, classer… Mais il se sent seul…

« Ce n’était pas les échanges avec les autres qui me manquaient mais le sentiment d’être intégré, de faire partie d’un ensemble. »

En continuant son activité, il existe. Son esprit s’évade, revient en arrière dans ses archives personnelles. Qu’a-t-il fait de sa vie, de ses sentiments, de ses ressentis, de ses rencontres ? Il analyse, décrypte, scanne, comme il le faisait avec les documents sur lesquels il travaillait.

C’est un long monologue auquel il nous convie, avec Franziska en fil conducteur. On ne sait pas si ce qu’il transmet est vrai ou déformé par l’envie de vivre (ou d’avoir vécu) certains instants. Tout ça fluctue au gré de ses émotions, de ses souvenirs faussés ou non. Finalement à force de collecter des informations sur ce que les autres ont vécu ou écrit, ne s’est-il pas oublié en route ?

« Aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai toujours douté de mes sentiments, et même dans les plus grands moments d’effervescence affective, j’ai toujours été un peu à distance de moi-même, en train de m’observer. »

C’est sans doute, pour lui, une forme de protection, pour ne pas déranger le cours de sa vie, toujours les mêmes rituels, un rythme et des occupations identiques. Est-ce qu’il a raté quelque chose ? Est-ce que son quotidien aurait pu être différent, notamment ses amours ? Aurait-il été capable de donner sans s’interroger, de se lâcher, d’être lui ? La construction de ses relations aux autres montre qu’il avait malgré tout, des difficultés à se lier. On peut se questionner. En faisant ces choix, cet homme a voulu sa solitude, il s’est enfermé dans ce qui a été ou qu’il a imaginé. Et si cela lui suffit, pourquoi pas ? Il s’est attaché aux écrits pour garder une trace, mais pour autant il n’a jamais rédigé de journal intime. Il s’est appliqué à garder tout ce qui paraissait sur Franziska mais rien sur lui. Alors il ne peut se fier qu’à sa mémoire.

C’est dans un style mélancolique, avec des phrases assez courtes que nous lisons ce que cet homme veut bien partager avec nous. Si le passé s’invite à sa porte, que va-t-il faire ? Quelle image a-t-il laissé aux autres ? Est-ce que ça vaut la peine d’aller à la rencontre d’autrefois ? On pourrait penser qu’il n’y a pas grand-chose dans ce récit et pourtant, c’est fascinant. Une espèce de magnétisme nous fait pénétrer dans l’intimité intellectuelle du narrateur et comme il s’exprime en style indirect, on a l’impression qu’il nous narre son histoire au creux de l’oreille, comme un secret. Il y a une atmosphère particulière, faite d’introspection et on se retire à la dernière page sur la pointe des pieds.

Traduit de l’allemand (Suisse) par Pierre Deshusses
Éditions : Christian Bourgois (9 mars 2023)
ISBN : 978-2267051094
202 pages

Quatrième de couverture

Ancien documentaliste, le narrateur passe son temps à découper des articles de presse, qu'il archive dans sa cave – tous soigneusement rangés dans des dossiers. L'un d'entre eux est dédié à Franziska, alias Fabienne, une ex-chanteuse de variétés à succès. Le temps passant, ils se sont perdus de vue. Mais un jour, le narrateur décide de reprendre contact avec elle et, après s'être procuré son adresse mail, lui envoie un message.

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