Machin-Machine de J.O. Morgan (Appliance)
Jubilatoire, décalé et un tantinet affolant….
Et si… et si…. Onze chapitres, onze parties d’une même histoire reliée par « la machine ». Mais qu’est-ce qu’elle fait d’extraordinaire ? Elle permet, au départ, de transporter dans l’espace et le temps, des objets d’une cabine A à une cabine B. Puis en améliorant ses fonctionnalités d’envoyer des humains d’un lieu à l’autre. Pratique pour aller voir ses enfants à l’autre bout du monde, voyager sans aucun risque et revenir de la même façon …. Il y a, bien sûr, quelques contraintes mais on les oublie vite tant la vie quotidienne est facilitée. Plus de voitures sur les routes, les produits frais arrivent très vite, etc… Il faut que tout soit bien réglé pour que d’un point à l’autre, ce qu’on translate, reste rigoureusement identique.
Et si, un jour, on trouvait un moyen, lorsqu’on manœuvre pour une personne qui est malade, de la reconstituer sans les cellules affaiblies, juste en triant ? Pas mal non ?
Vous vous rendez compte, rien de cassé dans les déménagements ! Mais ce tableau de maître, payé un prix fou car c’est un original, une fois réduit à rien puis refait, a-t-il toujours autant de valeur ou n’est-il devenu qu’une pâle copie ?
Et les humains, sont-ils vraiment les mêmes ?
Dans ces différentes anecdotes toutes reliées par la machine mais pas avec les mêmes personnages, on prend en pleine figure, une dérive possible du progrès. Tout ce qui est raconté l’est sans chronologie mais plus on avance, plus la machine est présente, plus elle est affinée, plus elle s’impose dans la vie de tous les jours. Et plus notre sourire se crispe en se disant « et si et si…. ? »
« C’est logique que les choses aillent de travers de temps en temps.
-Ouais, si les choses ne vont jamais de travers, on ne sait jamais jusqu’où on peut aller.
-Et on serait allé nulle part si on n’avait pas essayé.
-Ouais, et on a été bien prudent, aussi.
-Je sais, et c’est pas si grave en fait.
-Non – je crois qu’il s’en remettra.
L’auteur est connu pour ses recueils de poésie et avec ce roman, il s’est lancé dans une nouvelle aventure et il l’a plutôt bien réussi. Ce qu’il nous présente, c’est un peu comme des arrêts sur images, des tranches de vie. Le premier texte commence d’une façon tout à fait banale, dans un petit pavillon de banlieue, rien d’extraordinaire à première vue. Un couple qui reçoit « la machine ». Monsieur est très fier car il travaille pour l’entreprise qui les fabrique. Il a été choisi ! Son épouse est plus sur la réserve….
On les quitte et on va voir d’autres individus et toujours cette machine qui sert de fil conducteur, qui devient plus précise, se rend indispensable….
Oui, le thème n’est pas nouveau mais la forme et le style, purement jubilatoires, le sont pour moi. Il y a dans l’écriture, une espèce de liberté poétique qui rend le propos délicat alors qu’il est grave. Un peu de dérision, de questionnement sur la fatalité (je pense à un des passages où un vieil homme réfractaire finit par dire oui comme s’il n’avait pas vraiment le choix…. Et que c’était mieux ainsi…), sur le progrès…est-il si indispensable que ça ? Et comment savoir si c’est mieux autrement ?
« Pourquoi on voudrait faire un truc pareil ?
-Oh ? chais pas. Je dis juste que ça pourrait se faire, voilà.
Je me suis régalée avec cette lecture, c’est distrayant, bien écrit et in on reste à distance, ça ne fait pas (encore) trop peu pour notre avenir…..
Traduit de l’anglais (Ecosse) par Pierre Reignier
Éditions : Liana Levi (1 er Septembre 2022)
ISBN : 979-1034906499
242 pages
Quatrième de couverture
Tout commence par un prototype, de la taille d’un frigo, un machin étrange et bruyant testé dans la cuisine d’un couple de la classe moyenne. Une drôle de machine capable de transporter un objet en le dématérialisant d’un côté, pour le rematérialiser de l’autre. Cette nouvelle technologie change bientôt le monde et tous ceux qui l’habitent – les sceptiques comme les convertis. Mais, dans une société obsédée par le progrès, que deviennent les choses qui nous rendent humains…