Jusqu'à mon dernier souffle de Sylvie Lepetit
Une chronique de Cassiopée
« Regretter, est-ce encore vivre ? »
Pendant quelques jours de lecture, j’ai accompagné Blanche, je l’ai « écoutée » et je lui ai tenu la main. Fragile et forte à la fois, portée par une personnalité qui ne demandait qu’à se développer, s’épanouir, cette femme est de celles qu’on ne peut oublier.
1929, mariée depuis quelques années, plus par convenance que par amour, Blanche a deux petits garçons et un mari qui travaille à la fonderie de son beau-père. Fatigue, fièvre, toux, le diagnostic est posé, elle souffre de tuberculose et doit partir à la montagne à « L’hôtel du Mont-Blanc » (doux euphémisme pour parler d’un sanatorium !) pour se soigner et guérir. Là-bas, elle n’aura qu’à prendre soin d’elle pour revenir au plus vite. Pendant ce temps, sa mère et la sœur de son époux veilleront sur le foyer et surtout sur les deux petits.
Isolée, loin des siens, elle se confie à un journal intime. C’est lui que nous découvrons dans ce livre, ainsi que les réactions de son compagnon lorsqu’il lit ses écrits. On s’aperçoit très vite qu’un fossé s’est creusé entre eux et que partir va, peut-être, permettre à Blanche de renaître, d’être elle-même. Elle explique leurs incompréhensions, les silences, le manque de dialogue, tout ce qui les a étouffés petit à petit. En pleine nature, elle ne sent pas de jugement, de regard lourd sur ce qu’elle est, ce qu’elle pense, ce qu’elle désire… Petit à petit, elle relâche la pression, s’autorisant à être « ici et maintenant ». Lui, il « commente » ce qu’elle a rédigé, offrant une autre approche, un autre regard, une autre interprétation. Chacun sa sensibilité, son ressenti …. Ont-ils des regrets ? Est-ce que tout aurait pu être différent ? Est-ce que le poids des conventions, de la société, a empêché qu’une vraie complicité amoureuse s’installe entre ces deux-là ?
J’ai beaucoup aimé Blanche. Elle a un petit côté rebelle qui m’a enthousiasmée, elle essaie de se « révolter » en douceur, encore encombrée du carcan de son éducation. Elle ne sait pas dire non…. C’est intéressant de voir son évolution au fil des mois lors de son séjour en montagne. Elle ne perçoit plus la nature de la même façon, ne se comporte pas comme les premiers jours, elle ose plus … On peut se demander si c’est parce qu’elle sait qu’elle peut mourir, ou si être loin de sa famille la « libère » ou si il y autre chose. C’est tout un apprentissage de devenir « soi ».
Dans son cahier, Blanche présente son quotidien, ses relations aux autres, son lien avec son conjoint. Elle explique ce qui l’a bloquée, ce qui l’a aidée, ce qui l’a interrogée… C’est écrit avec beaucoup de délicatesse, de doigté, comme « porté » par un souffle harmonieux, subtil. J’ai été sous le charme du style, du contenu. Des références poétiques, musicales sont glissées çà et là et comme le dessin sur la couverture, c’est tout en finesse qu’elles sont évoquées.
Ce livre a vraiment été une très belle découverte pour moi !
NB : le format du livre se prête parfaitement à l’évocation d’un journal intime.
Éditions : Les Unpertinents (21 Août 2021)
ISBN : 9791097174507
262 pages
Quatrième de couverture
1929. Blanche, 30 ans, est atteinte de la tuberculose. Elle part au sanatorium du plateau d'Assy, en Haute-Savoie, laissant dans le Nord son mari Abel et leurs deux petits garçons. Son séjour lui permet de connaître le bonheur que son mariage ne lui a pas donné. Après son décès, Abel découvre le vrai visage de sa femme en lisant son journal intime.