Le Petit Soviet d'Eric Decouty
Une chronique de Cassiopée
Joseph Kruger est marié à Janet, il mène une vie tranquille, leurs enfants vont bien, ils sont heureux et coulent des jours paisibles. Un jour, il reçoit l’appel d’un banquier. Cet homme lui dit qu’il doit venir pour régler la succession de ses parents, récemment décédés. Joseph n’est pas très motivé pour retourner sur les lieux de son enfance. Il est parti il y a longtemps et a coupé les ponts avec tout ça. Mais finalement, il décide d’aller sur place, de refaire un tour, probablement une dernière fois.
C’est Joseph qui raconte son séjour. Il s’installe au Village, où il a vécu avec ses parents. Jamais il ne nomme le lieu, c’est le Village avec une majuscule, comme il y a la Ville toute proche, où il rencontrera le banquier. Les autres endroits où il se déplace peuvent être nommés mais pas le Village, ni la Ville, comme si en prononçant ou en écrivant leur nom, ça les rendait réels, trop présents, capables de prendre le pas sur les personnes ou alors capables de divulguer ce qui a toujours été tu. Il ne voulait pas rester, il avait l’intention de régler tout ça rapidement mais finalement il s’attarde car il veut comprendre.
Comprendre quoi ? Ce qu’il ne sait pas, ce qu’il entend dans les silences, ce qu’il sent dans les quelques mots échangés, ce qu’il devine dans les regards dérobés. À peine arrivé, Joseph replonge en arrière. Des personnes se présentent, lui disent bonjour, prennent de ses nouvelles. Lui, il ne se souvient pas de tout, la mémoire est sélective et il ne déchiffre pas tout. Plutôt détaché de tout ça, il finit par se « prendre au jeu » et il a envie de creuser. Pourquoi ? Parce que dans une conversation, au détour d’une phrase, quelqu’un cite son grand-père en évoquant un suicide. Il n’avait jamais vu la mort de cet homme sous cet angle. Alors, il décide rester afin que tout soit clair et expliqué : la mort de son Papi mais également le leg qu’il vient de recevoir et qui est, pour le moins, surprenant.
Plusieurs lui disent qu’il n’est pas bon de se pencher sur le passé, de le remuer. Raison de plus pour aller plus loin bien qu’il dérange (ça, il le sent très vite). Joseph ne sait pas où vont le mener ses investigations mais à chaque petit bout découvert, il a envie d’en savoir plus, de compléter le puzzle. Il n’est pas le bienvenu avec ses questions, il doit se faire aider par quelques-uns ou quelques-unes ;- ) discrètement. Une fois qu’il a les informations, il est nécessaire qu’il prenne du recul, qu’il réfléchisse, qu’il digère ce qu’il a appris sans que cela le touche trop (pas facile !)
Il va revenir en arrière, au moment de la seconde guerre mondiale, près des résistants, du maquis, des FTP (francs-tireurs et partisans français) créés par le parti communiste et qui sont partisans de la guérilla urbaine et de l'action immédiate. Il y a eu des tensions, des tiraillements à cette époque. Les secrets, les non-dits, tout ce qui a été dissimulé, refoulé, va ressortir par bribes au grand jour. À Joseph de faire le lien, de rassembler les morceaux, de compléter les blancs pour avancer, aller vers le futur et peut-être laisser son passé derrière lui.
J’ai beaucoup aimé ce recueil. Sa construction m’a plu, le contenu m’a interpellée sur des événements (notamment celui de la rade de Brest) que je ne connaissais pas. L’évolution de Joseph au fur et à mesure de ses découvertes est intéressante. Il s’engage de plus en plus au fil des pages, son sens de la déduction s’affine et sa femme, à distance, est de très bon conseil. L’écriture est fluide. Les propos suffisamment détaillés pour nous captiver et nous maintenir dans l’intrigue.
En conclusion, un premier roman riche et original.
Éditions : Lina Levi (1 er Avril 2021)
ISBN : 979-1034904105
290 pages
Quatrième de couverture
Il a fallu l’appel d’un banquier inconnu pour que Joseph Kruger fasse le voyage. Puisque l’homme a insisté, il viendrait en personne récupérer les derniers documents concernant la succession de ses parents décédés récemment. Dès l’instant où il remet les pieds au Village, Joseph est assailli par les souvenirs d’enfance qu’il pensait effacés. Mais surtout, dans ces rues vides, il a l’impression tenace que chacun de ses mouvements est surveillé, et que tous ont été informés de son retour. Il comprend vite que sa présence dérange, qu’on aimerait savoir s’il sait… Que devrait-il savoir ?