L’héritage du maître de chai, de Kristen Harnisch (The Vintner’s Legacy)
Une chronique de Cassiopée
Quand un auteur se lance dans une saga familiale, plusieurs choses sont intéressantes
La première, c’est de voir évoluer les personnages. Lorsqu’on les découvre, on s’attache (ou pas) à eux, on envisage leur avenir et on a hâte de savoir ce qu’ils deviennent, si ce qu’on avait imaginé est devenu réalité ou si tout est différent.
La seconde, tout aussi importante, c’est de voir si le récit garde du « souffle », de la constance, de l’intérêt…, si le style et l’écriture ont encore du ressort. Et si, de ce fait, le lecteur est toujours captivé.
Rien de plus triste qu’une histoire qui n’a plus « de sel », que l’on peine à terminer parce que plus rien ne nous accroche….
Ces deux aspects (le fond et la forme) me posaient question quand j’ai commencé ce nouveau roman de Kristen Harnisch. Ayant beaucoup apprécié le précédent, je n’avais pas envie d’être déçue et mes exigences étaient bien présentes. Et bien, ouf, le soufflé n’est pas retombé et ce que j’ai lu tient vraiment la route.
Outre le fait d’avoir retrouvé des individus agréables à suivre, une traduction à la hauteur et donc une belle écriture, le contexte évoqué est décrit avec intelligence. Nous sommes en 1917 et des deux côtés de l’Océan, la guerre est au centre des discussions. Les hommes doivent se battre, les femmes, les enfants et les anciens assumer ce qui doit l’être, notamment dans les exploitations familiales comme dans cet opus. Le vignoble est au cœur de leurs soucis, et quel que soit le continent, il faut trouver des solutions. De nombreuses autres thématiques sont abordées. Les pays sont en guerre mais ceux qui se battent restent des hommes, pères de familles, maris, fiancés ou jeunes appelés au front alors qu’ils n’avaient rien demandé, obligés « de servir » leur pays mais à quel prix ? A-t-on le droit de faire la paix, voire de soigner ou d’accueillir un ennemi ? Jusqu’où peuvent aller l’amitié, l’amour entre les peuples dont les dirigeants se déchirent ? J’ai trouvé que ce sujet était vraiment traité avec finesse, doigté et intelligence, à partir de situations concrètes auxquelles sont confrontées des personnes de la famille de Sarah.
Dans le nouveau tome de cette série, il y a une trame historique, une trame romanesque, un peu de mystère et une bonne évocation du contexte historique de l’époque. Certains événements sont parfois prévisibles, mais c’est presque reposant parce que ça met du baume au cœur et le sourire aux lèvres. Les personnages ont du caractère, parfois entêtés, obstinés, on sent leurs souffrances, leurs faiblesses. Pippa et Ondine, sont deux jeunes femmes que je suis pressée de revoir (j’espère qu’une suite est prévue). On sent chez l’une et chez l’autre, une grande détermination, une volonté de fer et ce sont des femmes qui en veulent !
Suivre l’épopée de cette famille sur deux continents apporte un regain d’intérêt. On peut comparer les réactions des uns et des autres, l’influence des faits historiques et des décisions prises. Les regrets et les manques quand on ne vit pas ensemble au quotidien et qu’on a également des « racines » de l’autre côté. On ne se mélange jamais en lisant, chaque chapitre indique le lieu. Il y a un arbre généalogique, une carte et une présentation des personnages principaux en début d’ouvrage. Et si toutefois, vous n’avez pas lu les précédents ouvrages, quelques rappels, discrets, du passé, vous aideront à vous situer.
Une lecture très plaisante et un auteur que je vais continuer de suivre avec attention !
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jacqueline Odin
Éditions : L’Archipel (3 Septembre 2020)
450 pages
Quatrième de couverture
Décembre 1917. Sarah Lemieux a 40 ans. La fille du maître du chai et son mari Philippe exploitent avec courage leur vignoble californien d'Eagle's Run. Mais la situation devient critique. À 21 ans, Luc, leur fils adoptif, a pris les rênes du clos Saint- Martin, dans le Val de Loire, là où Sarah a grandi. Il y fait la connaissance d'Ondine, 17 ans, qui s'est murée dans le silence depuis que les Allemands ont tué sa mère sous ses yeux. Luc entend lui redonner le goût de la vie, mais il est appelé sur le front...