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Publié par collectif-litterature

Le verger de marbre, de Alex Taylor

Une chronique de Cassiopée


« Les gens étaient esclaves de leur fragilité… » *

On est, dès les premières pages, dans l’Amérique profonde et rurale. Une famille, Derna, la mère, Clem, le père et Beam , le fils, gèrent tant bien que mal, un bac qui permet de passer la  Gasping River dans le Kentucky. Ce n’est pas ce qu’on fait de mieux comme boulot mais lorsque le chômage est important dans le coin, on s’en contente, quitte à arrondir les fins de mois en se servant un peu au passage sur les clients.  Beam, il est ce qu’il est, un jeune de dix-sept ans, plutôt désœuvré, pas très vaillant, mais assez obéissant lorsque son Papa lui confie la tâche d’assurer quelques traversées.  La vie n’est pas reluisante mais il faut faire avec, vivoter le mieux possible et s’en accommoder.

Et puis, un jour, Beam fait une très grosse bêtise, la faute à pas de chance bien sûr mais c’est trop tard, le mal est fait. Il lui faut fuir, pour aller au bout de nulle part, dans ce coin des Etats-Unis où l’on trouve des hommes prêts à en découdre pour un rien, qu’ils soient tenanciers, routier ou autres … Ils ont la gâchette facile, le geste brutal, le verbe injurieux et sec ….  C’est sans doute pour se montrer virils, forts ….. De rencontre en rencontre, Beam nous emmène toujours plus loin, au plus près d’une certaine forme de misère, de pauvreté intellectuelle, dans une atmosphère rarement éclairée d’un rayon de soleil. Il fuit sans faire beaucoup de kilomètres,  comme incapable de quitter ce coin de terre, de se confronter à un monde différent qu’il ne connaît pas bien.

Ce roman fait ressortir de vieux secrets de famille. Alors, me direz-vous, ne va –t-on pas trouver un air de déjà vu ? Non, parce que l’auteur s’empare de cette intrigue dans un style très personnel. Il y a, en effet, un contraste saisissant entre les conversations en langage familier, directes et sans fioritures, et le reste du texte qui peut offrir de belles descriptions, des phrases résonnant comme des extraits de poèmes… (d’ailleurs « Le verger de marbre » désigne le cimetière).

« Certains coins portaient encore la balafre de veines à ciel ouvert, et la houille en surface brillait d’un éclat bleuté sous le soleil, le sol lui-même cendré et couvert de schiste présentant l’aspect morne et éreinté d’une véritable géographie du désespoir. »

 C’est façon d’écrire est bouleversante, comme si, la laideur, la méchanceté restaient dans les dialogues, les attitudes, les actes, mais que tout autour, pour un peu qu’on ouvre les yeux, la beauté, la bonté, ne demandaient qu’à se montrer... Il y a un faux rythme, on avance à la cadence de Beam et de temps à autre, tout s’accélère…..

C’est noir mais ce n’est pas glauque, ça vous broie les tripes mais ça ne vous fait pas peur, ça vous serre le cœur et vous cherchez des raisons d’espérer des jours meilleurs malgré la détresse qui suinte entre les lignes.  

J’ai beaucoup apprécié cette lecture qui bouscule les codes, qui m’a mise face à des hommes durs mais quelquefois attachants (même les personnages secondaires sont étoffés et tiennent leur place), face à des femmes fortes et fragiles à la fois, aimantes le plus souvent (Derna est un modèle d’amour qui ne sait pas s’exprimer mais qui se dévoue corps et âme pour son fils), face à une région d’Amérique qui a dû se sentir abandonnée….

* page 69

Titre : Le verger de marbre
Auteur : Alex Taylor
Éditions :  Gallmeister
Collection: Totem
Nombre de pages : 272
ISBN : 978-2-35178-634-5
Date de parution : Janvier 2018


Présentation de l'éditeur

En plein Kentucky rural, la Gasping River déploie son cours au milieu des falaises de calcaire et des collines. Un soir où il conduit le ferry de son père sur la rivière, le jeune Beam Sheetmire tue un passager qui tente de le dévaliser. Mais sa victime est le fils de Loat Duncan, un assassin sans pitié. Toujours accompagné de ses chiens menaçants, Loat est lui-même porteur d’un lourd secret concernant le passé de Beam. Aidé par son père, le jeune homme prend la fuite.

 

 

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