OP3 Road, de Hubert Picard
Une chronique de Cassiopée.
OP3 Road : boulevard du crime…
Le poids des mots, le choc des actes…... peu de photos (on n’est pas dans un magazine quand même …..), quelques unes pour visualiser, si besoin est, le terrain d’action situé vers Karmah en Irak.
Nous voici plongés dans le quotidien des Baker Boys, des GI. On n’est pas dans un roman, mais bien dans la guerre, la vraie ?; celle qu’on ne voit pas forcément, celle qu’on ne nous montre pas toujours, celle qui dérange…
Oui, les soldats sont « blindés » et face aux atrocités, ils leur arrivent de devenir dédaigneux, c’est pour eux une façon de se protéger (et je pense que c’était la même chose pour l’auteur).
Ils sont obligés de rester « détachés ». Ils ne s’habituent pas à l’horreur, à la violence mais sur place, ils évitent les états d’âme et ne disent jamais que c’est difficile. L’exprimer, ce serait déjà se mettre en position de faiblesse.
Ils sont obligés d’être détachés et l’écriture de l’auteur rend bien cet état de faits.
Alors, bien sûr, lorsqu’on lit ce genre de témoignage, on a parfois l’impression d’une représentation manichéenne mais elle est nécessaire pour que les militaires restent concentrés sur leur mission. Cela n’empêche pas de beaux moments d’humanité mais ceux là sont tus la plupart du temps.
« C’est ça la guerre, un geste de mépris envers un type, un geste d’amour envers une autre. »
L’image des GI est assez souvent celle d’hommes un peu tête brûlée, sans scrupule comme s’ils « jouaient » à la guerre et prenaient goût à ces batailles. Mais lorsque l’un manque à l’appel, ils n’en sont pas moins hommes et les larmes sont essentielles ( le plus grave serait de ne pas pleurer) affluent. « Elles consolent et cautérisent, véritable morphine de l’âme. » Dans ce cas, là, le reporter photographe est mal à l’aise et reste en retrait.
« La pitié » n’a pas de camp à la guerre, il faut être fort, toujours, tenir, aller au-delà de ses limites, faire face….Les GI tuent mais ils sauvent des vies aussi en rendant la liberté à un otage par exemple.
Hubert Picard a touché du doigt ce qu’il se passe réellement sur le terrain. Il a partagé les virées nocturnes à visée destructrice, il a vécu dans des conditions matérielles difficiles, il a observé et écouté ces hommes absorbés par leur tâche, épuisés. Et il a « épousé » le jugement des GI, tant il voyait à travers leur regard. Pour les comprendre, il a pris faits et causes pour eux. Il a rencontré les autochtones qui savent mais se taisent, par peur.
Il a entendu l’objectif des soldats : « éviter à tout prix la mort des civils » et leur cauchemar : « rater un combat ». Il y a d’un côté ceux qui « gouvernent » cette guerre de loin : la plupart du temps avec des dérives politiques, et puis ceux qui sont sur le terrain et qui doivent agir. Les premiers manipulent-ils les seconds comme des marionnettes ?
On est dans un milieu d’hommes, un monde de « mecs », de gros bras. Les femmes sont absentes, les hommes peuvent être en manque… Le vocabulaire est rude, brut de décoffrage, cru, limite méprisant de temps à autre. L’homme ne s’embarrasse pas de circonvolutions, il décrit les événements de l’intérieur, comme il les ressent. A-t-il écrit son texte à chaud ? Probablement, ce qui explique une certaine forme de colère ou de rage sous-jacente qui peut choquer.
OP3 Road
Auteur : Hubert Picard
Éditions : Kyklos (Octobre 2014)
Nombre de pages : 310
ISBN :
Présentation de l'éditeur :
OP3 ROAD relate l’histoire vraie des GI’s de la compagnie Baker du 3-509th Airborne, qui ont occupé le camp Observation Post 3 de Karmah, en Irak, de janvier à juin 2007, de ces braves qui en ont marre d’être pris pour des maniaco-dépressifs détruits par la guerre, des camés en décrochage, des alcoolos au cerveau lavé par la bière, des affranchis sadiques béatifiés par tonton Bush, des nègres et des chicanos en échec scolaire, illettrés et exclus, ne sachant que faire de leur peau et qu’on imagine sans autre perspective de vie que l’armée sinon une existence aussi terne qu’un parking souterrain.
Non, l’Irak n’est pas le Vietnam. Ici, ni fumette ni souk de fantasmes barbares et d’hallucinations. Ici, les « chiens de guerre » n’ont pas besoin de ça pour jouer les dieux ou les démons, avoir le goût de la victoire dans la bouche et prendre en main leur destin.
En tant que reporter de guerre, Hubert Picard a eu le privilège d’être le seul civil à partager la vie de ces soldats. Aucun autre journaliste, aucun « officiel » ne s’est jamais rendu à Karmah en raison des dangers encourus.
Certains diront : « Quand on choisit l’armée, on sait. » Effectivement, « ils savent » mais dites-moi : comment faire autrement, sans armées ? Les combats sont-ils nécessaires pour que les hommes soient libres ?
Je connais bien le monde des OPEX, j’ai donc retrouvé certains aspects dont j’avais déjà entendu parler. Le témoignage d’Hubert Picard colle au plus près de la réalité, pas toujours belle à voir, mais malheureusement bien réelle…et on est bien obligé de garder les yeux ouverts…