Confiteor, de Jaume Cabré-chronique 2
Une chronique de Liliba.
Confiteor – je l’avoue – ce roman édité chez Actes Sud ne m’a pas interpellée à sa sortie. Une peur de sa taille (plus de 700 pages tout de même), des commentaires lus ici ou là comme quoi il était vraiment difficile à lire, une envie aussi de plus de légèreté ces derniers mois. Et puis je l’ai acheté pour l’offrir à Galea pour un swap, mais comme elle l’avait entre-temps déjà reçu en cadeau, je l’ai donc gardé pour plus tard, sagement rangé… Il aura fallu le Pavé de l’été de Brize pour que je m’y mette. Et de savoir aussi que j’aurai du temps pour lire, et pas seulement le soir à partir de 23h30 quand mon cerveau commence à s’embrumer de la fatigue de la journée. Et ce fut une révélation !!!!
Ce roman est un véritable monstre qui mélange les genres, déstabilise, interroge, étonne. Ce sont les mémoires d’Adrià, né à Barcelone dans les années cinquante, et que son père, collectionneur passionné, a initié à l’art, l’histoire et les beaux objets, lui enseignant que chacun a son histoire, indélébile. Le jeune garçon a du mal à s’épanouir avec la chape de plomb qui pèse sur ses épaules : il doit plaire à ses parents qui augurent pour lui d’un brillant avenir et projettent sur sa jeune intelligence précoce leurs ambitions un tantinet démesurées. Il doit apprendre des dizaines de langues, jouer du violon, se cultiver. L’enfant est solitaire et se confie à ses deux seuls amis : le shérif Carson et Aigle noir, un cow-boy et un Indien, deux figurines de plastique qui l’accompagneront toute sa vie et qui prennent véritablement vie pour lui, répondant à ses interrogations et l’interpelant souvent sur son comportement. Il fera ensuite la connaissance de Bernat, le grand ami de sa vie qui l’accompagnera jusqu’au bout.
Car nous sommes déjà au bout : le récit de la vie d’Adrià est en fait un long monologue. Au seuil de sa mort, il revient sur ce qu’il a vécu, de son enfance avec ses parents à ses dernières années. Et il nous entraine dans ce long voyage dans le temps et dans l’espace, nous faisant perdre tout repère. Car Confiteor, c’est l’histoire d’un homme, d’une famille, et d’un violon. Plus celle d’un tableau, de Sara la femme aimée, de Bernat l’amie fidèle, et de nombreux personnages qui gravitent autour Adrià. Tout est mêlé. À l’histoire familiale, dont Adrià découvrira les secrets au fil des années, est ajoutée celle des objets qui l’entourent, amoncelés par son père tout d’abord puis par lui-même. Dont un violon et quelques tableaux qui prennent littéralement vie à l’époque où ils ont été créés et tout au long des siècles où ils sont passés de main en main. Les objets ont été le témoin de la vie des hommes, et ont notamment vu le mal de près. Ainsi, Confiteor vous emmène (parfois en une seule phrase, longue de plusieurs pages, qui utilise aussi bien le « je » de la narration que le « il » et dont le narrateur peut changer au fil du récit) de Barcelone à l’Allemagne, en passant par l’Italie ou Paris, Anvers ou la Cité du Vatican ; il vous transplante de l’Allemagne nazie au XIVe, du temps présent aux années 50, revient, repart…
De fait, le lecteur est parfois un peu perdu et il est de temps en temps nécessaire de relire quelques passages pour comprendre ce chaos absolument magistral qui au final prendra tout son sens. Car bien sûr, il y a un sens à tout cela. L’amour pour Sara, la femme qu’Adrià ne cesse jamais d’aimer, l’amitié pour Bernat, et surtout l’histoire de la beauté au fil des siècles, qu’on ne peut bien sûr pas séparer de celle du Mal.
Au final, un chef-d’œuvre absolu. Certes extrêmement difficile à lire, puisqu’il demande une concentration et une application intenses, dont seuls à mon avis les lecteurs aguerris seront capables, mais superbement écrit, magnifiquement traduit et qui transporte de bout en bout. À la dernière page, mon cœur s’est serré et je n’ai eu qu’une envie : relire ce fantastique roman au plus vite !
Liliba : les lectures de Lili...
Une autre chronique sur ce roman : celle d’Albertine et Wanda
Confiteor
Jaume Cabré
Actes Sud ; 772 pages